La vie d’une poubelle en France…. n'est pas très funky. Les hivers sont rudes. La couleur est terne. Surtout, cette
pauvre petite est bien délaissée… Bon, certes, y’a bien quelques jeunes qui
passent à 4heures du mat’ en sortant du Do Mac (phénomène bien connu de la
dalle post-cuite), et puis cette ptite vieille venue déposer de l’étron canin
au petit matin… Mais qui vient prendre des nouvelles, voir ce qu’elle a dans
les crocs jours après jours, à l’exception de Didier, le malheureux sans-abris
du quartier ?
Personne.
Au pays du carnaval, la
poubelle est orange, c’est nettement plus chouette. Et puis elle, au moins, a
du passage, ambiance festive 24/24h assurée. La poubelle du centre de Rio voit les
femmes d’affaires brésiliennes - les
ongles parfaitement vernis de la veille, tailleur et talons hauts - déposer
leur café et les étudiants leurs canettes de bière ; tous les cadres et
futurs cadres s’agitant autour d’elle en la récompensant régulièrement de
quelques déchets. A la tombée de la nuit vers 6 heures, une toute autre rencontre
se prépare. Clochards et adolescents des favelas envahissent les lieux, venant
voir si la pêche du jour a été bonne. La poubelle de Rio n’est jamais seule. Mais
il faut bien avouer que souvent, elle se sent assez inutile…incapable de répondre
à la demande. Elle est mignonne mais du
haut de ses 50 cm, elle est clairement désarmée face aux montagnes de déchets formés
à ses côtés.
Bon… là,
vous vous dites surement… L'heure est grave, Manon fume beaucoup trop au Brésil. Beaucoup trop. Honnêtement,
je n’aurai jamais eu l’idée d’écrire sur la vie d’une poubelle en Europe. Mais
ici, les déchets font tellement partie du quotidien qu’il était difficile de
passer outre, et sont – il me semble – à l’image du modèle brésilien de
développement. N’ayant aucun contrat publicitaire de signé en ce moment, j’en
profite pour ne pas vous offrir uniquement l’image du Copacabana-des-surfeurs,
mais aussi celui des gamines de 10 ans, souvent noires et assez maigres je me
permets de le dire, se jetant sur les déchets ( y compris les carcasses de
viande ) du supermarché « Pao de Açucar » - construit en théorie pour
ne subvenir qu’aux seuls besoins de la classe moyenne supérieure carioca. En
pratique, il nourrit quelques autres malheureuses bouches. Mais les déchets sont
plus que ça ici ; ils représentent à Rio une véritable industrie… et sont
créateurs d’emploi.
Un gringo doit toujours se
rappeler d’une chose ici ; SOYEZ ASSISTES ! Ce serait presque mal vu de ne
pas l’être d’ailleurs. Si vous avez les moyens, ne faites pas à manger, une
employée le fera pour vous. Ne faites pas le ménage, quelqu’un le fera pour
vous. N’appuyez pas sur le bouton de l’ascenseur, quelqu’un le fera pour vous
(oui, ce boulot existe. Rester toute la journée dans un ascenseur à appuyer sur
des boutons). Ne mettez pas vos courses dans les sacs plastiques (l’heure de
l’écologie n’a pas encore sonné), quelqu’un le fera pour vous. A une soirée à
la fac, j’avais 1 canette de bière vide à la main, un pote brésilien a du me
crier dessus : « Jette-la par terre ! » Deux minutes plus
tard, elle était déjà ramassée dans un sac de recyclage. Ne pas trier les
déchets donc, quelques brésiliens en feront leur moyen de subsistance.
En grossissant le trait, Rio,
c’est une classe moyenne qui consomme, et une autre qui travaille pour elle, et
trie ses déchets. C’est le Rio qui commence à accéder à un pouvoir d’achat vs.
le Rio des favelas. Pourtant, il y a sans aucun doute un respect mutuel - voire
une solidarité - entre ces deux catégories interdépendantes. Pour l’anecdote, quand
j’étais accueillie par la famille brésilienne à mon arrivée, après un bon repas
(fondue suisse accompagnée de vin rouge chilien), le père de famille préparait
du pain/beurre pour que le gardien de nuit ait quelque chose dans le ventre.
Pour mieux comprendre tant les
problématiques environnementales que sociales carioca, je vous invite à voir le documentaire de Lucy Walker, « Waste Land », qui les illustre
à merveille.
Voir gratuitement le film en ligne
(anglais/portugais) :
Il
retrace l’expérience de Vik Muniz, artiste brésilien vivant à Nova Yorque, ayant transformé les
déchets de Rio en œuvre d’art et quelques trieurs de déchets en star d’un jour.
La première partie est un beau voyage au milieu d’un jardin carioca… le Jardim Gramacho ; plus grand tas de
déchets d’Amérique Latine, et nous emmène à la rencontre de quelques
« catadores », alors que la seconde met l’accent sur le travail
artistique en lui-même. Initiative innovante. Le film a d’ailleurs été nominé
aux Oscars… A noter : la critique du Monde vaut quand même la peine d’être
lue : (http://www.lemonde.fr/cinema/article/2011/03/22/waste-land-spectaculaire-entreprise-d-autosatisfaction-sur-le-dos-de-la-misere-du-monde_1496564_3476.html).
Bon visionnage !
Je reconnais dans cet article Paris. Paris, ses poubelles et ses emballages Mc Do, Paris et ses canapés sur les trottoirs (quand ce n'est pas la télé du salon), Paris et ses poubelles débordantes, Paris et ses sans-abris à la recherche du moindre mégot de cigarette encore fumable..
RépondreSupprimerBref, Paris, la ville sale quand tu rentres de Prague.
Finalement Paris, c'est un peu comme Rio, sauf que nous, on ne donne pas de jambon-beurre au éboueurs.
Je vois la même chose en Californie. Les américains sont assistés à tous les niveaux (course, ménage), la seule différence - et c'est certainement ce qui rend la comparaison intéressante - est que les personnes qui occupent ce type de métier sont en majorité, je dirais 80%, des mexicains. Finalement, la société californienne est divisée entre les blancs riches et la minorité latino pauvre. Pour l'anecdote, ma famille d'accueil avait une femme de ménage mexicaine et m'a dit clairement qu'ici, les américains n'exercent PAS ce type de travail. A Rio, cette même dualité s'opère au sein d'une même population. Aprés, de mon expérience au Maroc, je dirais que c'est le propre des pays en développement. Ton article est vraiment intéressant et trés bien écrit en tout cas.
RépondreSupprimerBesos amor