Quelques temps d’absence sur
ce blog suite à deux difficiles semaines à parcourir le Brésil en famille…
Deux semaines bien intensives et riches en émotion, mais surtout pour eux donc
je préfère leur laisser le micro. Certains vont déjà les entendre radoter en
repas de famille sur les merveilles du Brésil, je n’en rajoute pas. J’imagine
aussi qu’ils feront allusion au surpoids généralisé, aux bunda, et à la façon
de s’exprimer des brésiliens, c’est-à-dire, soit en criant, soit en chantant,
soit en dansant, parfois les trois simultanément. Un peu + d’intimité aurait parfois
été la bienvenue !
Bien sûr, les vacances en
famille, c’est aussi avoir l’air d’une brochette de gringos potentiellement
arnaquable… J’ai essayé de l’éviter au
maximum, mais je n’ai pas su éviter une belle arnaque de gros touristes en bus
climatisé. Tu sais quand tu te sens
débile au milieu d’un groupe de 50 personnes et qu’un type baragouine en
anglais « Here is zi meeting point », et qu’il va jusqu’à te détailler
le menu du restau avec qui il a un accord pour se prendre une grosse commission ?
Bah pareil.
L'aventurière à Ilha Grande
Santa Teresa, Rio
Paraty
Ce voyage aura été pour moi l’occasion
de visiter Salvador… Mamamia je suis amoureuse. In love de ce magnifique centre
historique piéton, de ces capoeiristes partout dans la rue aux sons du berimbau , de cette fête permanente
entre deux ruelles, de ces plages aux eaux cristallines bordées de milliers de
palmiers et bien sûr, des bahianais au masculin. Bon, Salvador, c’est aussi crackoland et les
mendiants, mais je suis moins amoureuse de cette partie là.
Voilà enfin cet article sur le
funk….. Difficile de concevoir un blog sur Rio sans en parler, c’est beaucoup
trop drôle pour passer à côté.
Pour ceux qui s’attendent à quelques
lignes sur James Brown, Kool & the Gang ou Barry White, je les arrête tout
de suuuite ! Qu’on se mette d’accord, au Brésil, les références dites « funk »
ne sont pas celles-ci… Pour les brésiliens, les plus grands classiques de la
funk sont des purs produits favela carioca. Allez, éteignez la lumière, augmenter à fond
le volume, et écoutez ça : (ou plutôt regardez ça, notamment la 6èmin 17s)
Le baile-funk, sorte de club dans les favelas, où seul le funk caresse nos oreilles jusqu’à l’aube, est une
expérience incontournable pour un gringo à Rio… C’est dans la liste des
indispensables, et en général il ne l’oublie pas. Une fois passée la porte d’entrée
du baile funk de Castelo das Pedras – qui n’a, entre nous, pas grand-chose d’un
château de pierre – c’est parti, nous sommes jetés dans l’arène, au milieu des
bêtes, et on ne peut plus faire demi-tour. Une ptite caïpirinha de plus pour
nous aider à rendre ce moment agréable et … Ha quelle débutante.. Je suis venue
en slim, à ne jamais refaire, tant il fait 60°C dans cette jungle urbaine, et
tant le « shortinho » (mini-short) est l’indispensable pour faire des
flexions/extensions et mettre en valeur la partie privilégiée du corps :
le bunda. Evidemment, la position de base est celle de la chaise, accompagnée une large cambrure pour offrir à son prochain la vue de son bunda est train de
danser la samba.
En pleine nuit dans cette
jungle, les femelles aguichent les mâles en leur offrant leur derrière ;
et ces derniers, le torse musclé dégoulinant de sueur, s’empressent d’attaquer
cet objet de désir. Les baile-funk carioca, vu de l’œil d’une petite bretonne,
c’est baiser sur la piste habillés (ou disons ac deux trois bouts de tissu) sous
un fond sonore maaaximale afin de créeer cet atmosphère de transe collective. La
poésie ne s’impose pas pour séduire la femelle, un vulgaire toucher de bunda,
ou un arraché de bras font l’affaire. Haaa quel
plaisir d’être venu entre gringos, de se réfugier au milieu de ces « branquinhos »
(petits blancs), c’est presque un havre de paix.
Ou du moins je croyais que c’était
ça un baile funk…. Jusqu’à ce qu’un pote (du modeste nom d’un empereur romain) me
dise «Tu as déjà vu un baile funk avec du trafic ? T’es jamais allé
à un baile funk alors ! » Evidemment, comme souvent, ma curiosité a gagné
sur ma prudence, je ne pouvais refuser d’aller à un soi-disant « vrai »
baile funk dans sa favela, non pacifiée dans le Nord de Rio. En même temps, vu
le gabarit de l’ami en question, on se sent bizarrement vite en sécurité à ses
côtés… Après une heure de trajet dans deux bus différents, « la
partie commence » me sort-il alors qu’on monte dans la favela. Sur notre
gauche, un espèce de dépotoir public ; « le coin à crack ». C’est,
entre parenthèses, une des drogues qui fait le plus de ravages au Brésil ; et un recoin de Sao Paulo est même tristement connu comme « crackoland »
abritant quelques centaines de fonce-dé, parfois en famille. A ma fac aussi, il
y avait une campagne de dons de fringues pour les enfants et adolescents accros
au crack. On l’a pas eu à Sciences Po Lyon celle-là ! Bref, revenons à nos
moutons de l’Arbre Sec (nom de cette favela, qui encore une fois, n’avait pas grand-chose
à voir avec quelconque verdure). Le baile-funk était à moitié dehors, à moitié
dans un hangar plus ou moins fermé par un grillage. Lo-ve-ly ! Mais ce qui
était plus drôle (bon, j’avoue, je riais jaune), c’était de voir les gamins de
12 ans passer le torse bombé ac des grosses mitraillettes au milieu de la
piste, suivi par les copains de 8 ans. Là, tu ne danses pas avec n’importe qui,
et pour tout dire, on a juste danser entre nous… Un seul type s’est vraiment
approché pour danser avec nous, quand mon pote me sort du coin de la bouche « méfiez-vous,
c’est un trafiquant. Non, mais vous pouvez danser avec, mais sachez-le c'est tout ! ». On n'était qu'à moitié dans notre élément...
Quant aux paroles, elles sont
à mon goût tristement drôles… Je pourrais citer celles de la 2è chanson
de la vidéo (tube cette année), soit « aujourd’hui je vais tromper ma
copine », ou encore celle-ci :
« je vais te mettre enceinte et me barrer »
On l’a entendu au baile funk,
alors que mon pote venait de nous dire: « Si on a le même père avec ma sœur ?
lol non, mais tu sais ici personne n’a de père… Un père?? c’est quoi d’ailleurs ?? hahahahahahaha. » Le funk carioca fait l’apologie de la
violence, de la sexualité libérée, du machisme et j’en passe… Il me semble que
certaines chansons soient interdites,
mais qu’est ce que l’ « interdit » dans une zone hors de contrôle de
l’Etat ?
On m’a dit que ça n’a pas
toujours été comme ça, que dans le passé, le funk carioca était plus « politique »,
donc j’ai jeté un coup d’œil à son histoire. Le funk (tel qu’on
connait), à Rio, a commencé à être influencé par la Miami Bass, un nouveau rythme
venant de Floride, apportant des musiques plus érotiques et rythmées. Une des chansons de l’époque les plus « politiques » est apparemment celle sur un marché de ferraille et d'électroménagers qui permettait aux plus
pauvres de s’équiper.. dont le chanteur était Mc Patate. Mhmhm. Mais des le
début, le funk carioca parle du quotidien des faveleiros – soit la violence et
la pauvreté. Dans les années 90, il gagne une identité propre et se multiplie
au Brésil, en même temps qu’il commence à être montré du doigt à cause
des « bailes de corredor », ou « danses de couloir » - confrontations de "gangs" qui évidemment finissent parfois mal. Face à la menace de l’interdiction du funk, le « funk melody » propose alors des
thèmes plus romantiques. La seconde moitié des années 90 est la période d’explosion
du funk, qui dépasse alors la frontière de la favela pour se propager dans la
société brésilienne. Ces années sont aussi celles de l’apparition d'un nouveau
style : le « probidão » (grand interdit) - qui exaltent les
trafiquants, la violence, la rivalité et l'érotisme.
Mais ce que je viens de décrire
est presque « light » finalement… en comparaison au funk dans son apothéose, dans sa version la plus poussée, le
surra de bunda, dont je me passerai d’explication ou commentaire. (Ha si, je rajouterai trois lettres : "lol".)
Qui dit touristes, dit vendeurs de cacahuètes (au sens propre et figuré d'ailleurs)
(La serviette de plage n'existe pas à Rio)
Copacabana saura toujours te surpendre... Duo violon/beat box
Avoir comme seul toit un palmier..
Motel pas cher
Face à la mer, j'aurai pu grandir..
Copacabana. Il suffit de
prononcer ce mot, pas besoin d’en dire plus ; il veut déjà tout dire. On y
trouve toutes les caricatures (où presque) du Brésil que vous connaissez bien : soleil, palmiers, filles en string, groupes de samba, noix de coco,
joueurs de « futbol » sur la plage. Et c’est çaaaa qu’est bon !
Surtout quand on habite à 50 mètres de la plage.
Copacabana c’est comme la Côte
d’Azur ou la Floride ; il ne faut pas oublier toutes les ptites vieilles
habillant leur caniche ac des jupes et/ou des chaussons ! Ici, se croisent
les destins des mamies, des touristes, des jeunes cadres, des groupes de gamins
noirs trainant dans la rue ou sur la plage, des prostituées et des clochards…
sans oublier les sportifs bien sûr !
C’est le lieu privilégié du
culte du corps à la brésilienne… (Certes, entre nous, toutes les filles ne sont
pas d’exotiques sirènes, et parfois, je me retrouve à penser : « ce
serait pô du luxe si elle mettait un slip à la place d’un string celle-là… ») Mais Copa est le royaume de l’apparence et de l’exhibition dont les principales règles
sont : voir et être vu. En un mot : « paquerar » (draguer, mater). Tu ne vas pas à la plage
pour te baigner (d’ailleurs les vagues sont tellement fortes que tu peux
oublier tes cours de natation), tu y vas soit près des surfeurs, soit près du terrain
de volley. Tu vas faire un footing pour t’entretenir… mais surtout pour montrer
à ces virils torses que, toi aussi, tu t’entretiens. L’académia – le club de
fitness – fait fureur à Copa ; tous ceux qui peuvent se le payer - ou
presque- n’hésitent pas à payer entre 50
et 100 euros mensuels pour la salle de fitness, et une vingtaine d’euros pour
les manucures et pédicures de Madame…
... Et histoire de bien commencer la
semaine, le dimanche, alors que l’Avenida Atlântica est fermée à la
circulation, les plages de Copacabana et Ipanema sont envahies par tous les
cariocas qui se retrouvent dans cette joyeuse folie... qui fait de Rio de Janeiro
la Cidade Maravilhooosa !!!
Pourtant cher Copacabana,
laisse moi te dire un secret : « tu dois maintenant te mettre à l’évidence :
Ipanema t’a volé la vedette. Un point c’est
tout. »
L’invasion de la Rocinha- une des plus
grandes favela d’Amérique latine avec quelques 120 000 habitants-, de
Vidigal et de Chacara do Céu, dans la zone Sud de Rio, attire l’attention des
médias cariocas et du monde entier. Si ce n’est que la 19ème favela
a faire l’objet d’une opération de pacification, la Rocinha est emblématique,
et nécessite d’un contingent massif (comparable à l’occupation du complexo do
Alemão l’année dernière). L’intervention s’est faite parait-il sans
coups de feu … l’annonce de l’événement faite à priori aurait
permis aux méchants trafiquants de quitter la favela avant de
se retrouver dans les gros bras armés des policiers militaires.
Revenons rapidement sur l’histoire de ce
pouvoir parallèle qui régnait le morro depuis plusieurs
décennies… car – ne nous le cachons pas – on est tous si friands des histoires
de trafiquants qu’on ne se lasse pas des films sur le sujet !
(Franchement, qui ne s’est jamais pris pour Le Parrain devant
sa glace au moins une fois dans sa vie ?)
Rocinha a connu dans son histoire 3
PATRONS (à prononcer à l'italienne) : Dênis, Lulu et Nem. Dênis
ayant mis en place un trafic à grande échelle, il régnait dans la favela de
manière absolue dans les années 1980 et 1990. Planqué à Tijuca (zone Nord), il gérait les
négoces à distance ; et son incarcération en 1987 ne l’a pas empêché
d’ « administrer son territoire ». Aucun scrupule d’enrôler des
gamins soldats, business oblige. Pourtant, sa mort en 2001 – pendu dans sa
cellule par ses chers compagnons de taule – annonça le début d’une guerre
des gangs, quand son neveu – Lulu- quitta le Comando Vermelho pour
s’allier aux ADA, Amigos dos Amigos. En 2004, o Lulu (ADA) et o
Dudu (CV) s’enfrontèrent à Rocinha et Vidigal pendant 4 longs mois, jusqu’à ce
que la police s’en mêle, tue Lulu et expulse Dudu.
C’est le fameux Nem qui repris l’affaire
jusqu’à ce qu’il soit fait prisonnier jeudi dernier. Et oui, pour une fois, les policiers militaires auraient refusé les pots-de-vin des trafiquants en tentative
de fuite. (Bien sûr, quelques collègues avaient aidé à organiser la
fuite, on est au Brésil tout de même).
Pour les amateurs de détails
croustillants ; je continue l’histoire de la fuite d’Antonio Francisco
Bonfim Lopes – plus connu sous le pseudonyme de Nem-, retrouvé par le bataillon spécial de la police militaire dans le coffre
d’une voiture à la sortie de Rocinha et fait prisonnier le 10 Novembre dernier. Mais qui conduisait la voiture ? L'ambassadeur du Congo en compagnie d'un de ses fonctionnaires et son avocat ? Qu'est ce qu'ils foutaient là eux ? Habile tentative de falsification d’identité des trafiquants, mais l’ambassade
congolaise a rapidement annoncé qu’aucun de ses représentants ne se trouvait en
terre carioca. Le trio de « congolais » refusa aux policiers
militaires une fouille du véhicule ; sous couvert d’une immunité
diplomatique. Les flics ont donc escorté le véhicule jusqu’à la Police
Fédérale. Sur le chemin, les trafiquants ont bien essayé de refiler
un million de reais aux policiers pour s’enfuir discrètement… et c'est là que les
PMs ont ouvert le coffre de la voiture, où se planquait allègrement Nem,
au milieu de soixante mille reais et cinquante mille euros.
L’occupation de la favela par les forces
de l’ordre fait trembler l’empire Rocinha S/A, à l’origine de flux de 2 millions de
reais (soit presque un million d’euros) chaque semaine. Bien sûr, l’économie
informelle de Rocinha ne se limite pas à ses grands patrons ; il ne faut
pas oublier toutes les petites mains qui survivent de ce trafic. Rocinha était
réputée pour bien payer ses jeunes « endoladores », qui touchaient un
salaire hebdomadaire moyen de 200 reais pour emballer de l’herbe et de la
cocaïne, contre 50 reais ailleurs. Dans la raffinerie, qui pouvait générer
quelques 250kilos de coc’, 15 personnes touchaient jusqu’à 1500 reais
hebdomadaires. Sans compter les lieux de prostitution, une clinique
à avortements, des agences de tourisme, les mototaxis et vans.
Quel objectif se cache derrière ce déploiement choc
de 3000 MPs et militaires fédéraux ? Offrir la sécurité à tous ces
citoyens démunis ? Probablement, mais si c’était le seul objectif,
peut-être les pouvoirs publics essaieraient-ils de lutter plus activement contre la
corruption et la relative violence des 18 autres UPP (Unités de Police
Pacificatrice), dont l'action divise les habitants. Surtout, ils se seraient attaqués au problème depuis bien longtemps, et n'auraient pas oublié de nombreuses favela de la zona norte. C'est loin d'être un secret,
l’enjeu pour Sergio Cabral, gouverneur de l’Etat de Rio, et son secrétaire à la
sécurité publique, José Mariano Beltrame, est surtout de prouver au monde
entier que la Coupe du monde 2014, les Jeux Olympiques en 2016, la conférence
des Nations Unies Rio+ 20, etc, ne se dérouleront pas
dans un contexte d’insécurité ! Il faut en finir avec le trafic et la violence trop visibles ! Soyez rassurés petits français donc,
vous pouvez prendre vos billets Paris-Rio en toute tranquilité..
Malgré l’amour inconditionnel des cariocas
pour le « futbol », ils semblent décidemment lassés de voir la Coupe
du monde aspirer toutes les ressources publiques… du moins celles qui ne sont
pas restées dans les poches des politiques.