samedi 31 décembre 2011


Quelques temps d’absence sur ce blog suite à deux difficiles semaines à parcourir le Brésil en famille… Deux semaines bien intensives et riches en émotion, mais surtout pour eux donc je préfère leur laisser le micro. Certains vont déjà les entendre radoter en repas de famille sur les merveilles du Brésil, je n’en rajoute pas. J’imagine aussi qu’ils feront allusion au surpoids généralisé, aux bunda, et à la façon de s’exprimer des brésiliens, c’est-à-dire, soit en criant, soit en chantant, soit en dansant, parfois les trois simultanément. Un peu + d’intimité aurait parfois été la bienvenue !

Bien sûr, les vacances en famille, c’est aussi avoir l’air d’une brochette de gringos potentiellement arnaquable…  J’ai essayé de l’éviter au maximum, mais je n’ai pas su éviter une belle arnaque de gros touristes en bus climatisé.  Tu sais quand tu te sens débile au milieu d’un groupe de 50 personnes et qu’un type baragouine en anglais « Here is zi meeting point », et qu’il va jusqu’à te détailler le menu du restau avec qui il a un accord pour se prendre une grosse commission ? Bah pareil. 

L'aventurière à Ilha Grande






Santa Teresa, Rio

Paraty

Ce voyage aura été pour moi l’occasion de visiter Salvador… Mamamia je suis amoureuse. In love de ce magnifique centre historique piéton, de ces capoeiristes partout dans la rue aux sons du berimbau , de cette fête permanente entre deux ruelles, de ces plages aux eaux cristallines bordées de milliers de palmiers et bien sûr, des bahianais au masculin. Bon, Salvador, c’est aussi crackoland et les mendiants, mais je suis moins amoureuse de cette partie là.









dimanche 4 décembre 2011

Funky Country


Voilà enfin cet article sur le funk….. Difficile de concevoir un blog sur Rio sans en parler, c’est beaucoup trop drôle pour passer à côté.
Pour ceux qui s’attendent à quelques lignes sur James Brown, Kool & the Gang ou Barry White, je les arrête tout de suuuite ! Qu’on se mette d’accord, au Brésil, les références dites « funk » ne sont pas celles-ci… Pour les brésiliens, les plus grands classiques de la funk sont des purs produits favela carioca.  Allez, éteignez la lumière, augmenter à fond le volume, et écoutez ça : (ou plutôt regardez ça, notamment la 6èmin 17s)




Le baile-funk, sorte de club dans les favelas, où seul le funk caresse nos oreilles jusqu’à l’aube, est une expérience incontournable pour un gringo à Rio… C’est dans la liste des indispensables, et en général il ne l’oublie pas. Une fois passée la porte d’entrée du baile funk de Castelo das Pedras – qui n’a, entre nous, pas grand-chose d’un château de pierre – c’est parti, nous sommes jetés dans l’arène, au milieu des bêtes, et on ne peut plus faire demi-tour. Une ptite caïpirinha de plus pour nous aider à rendre ce moment agréable et … Ha quelle débutante.. Je suis venue en slim, à ne jamais refaire, tant il fait 60°C dans cette jungle urbaine, et tant le « shortinho » (mini-short) est l’indispensable pour faire des flexions/extensions et mettre en valeur la partie privilégiée du corps : le bunda. Evidemment, la position de base est celle de la chaise, accompagnée une large cambrure pour offrir à son prochain la vue de son bunda est train de danser la samba.

En pleine nuit dans cette jungle, les femelles aguichent les mâles en leur offrant leur derrière ; et ces derniers, le torse musclé dégoulinant de sueur, s’empressent d’attaquer cet objet de désir. Les baile-funk carioca, vu de l’œil d’une petite bretonne, c’est baiser sur la piste habillés (ou disons ac deux trois bouts de tissu) sous un fond sonore maaaximale afin de créeer cet atmosphère de transe collective. La poésie ne s’impose pas pour séduire la femelle, un vulgaire toucher de bunda, ou un arraché de bras font l’affaire. Haaa quel plaisir d’être venu entre gringos, de se réfugier au milieu de ces « branquinhos » (petits blancs), c’est presque un havre de paix. 
Ou du moins je croyais que c’était ça un baile funk…. Jusqu’à ce qu’un pote  (du modeste nom d’un empereur romain) me dise « Tu as déjà vu un baile funk avec du trafic ? T’es jamais allé à un baile funk alors ! » Evidemment, comme souvent, ma curiosité a gagné sur ma prudence, je ne pouvais refuser d’aller à un soi-disant « vrai » baile funk dans sa favela, non pacifiée dans le Nord de Rio. En même temps, vu le gabarit de l’ami en question, on se sent bizarrement vite en sécurité à ses côtés… Après une heure de trajet dans deux bus différents, « la partie commence » me sort-il alors qu’on monte dans la favela. Sur notre gauche, un espèce de dépotoir public ; « le coin à crack ». C’est, entre parenthèses, une des drogues qui fait le plus de ravages au Brésil ; et un recoin de Sao Paulo est même tristement connu comme « crackoland » abritant quelques centaines de fonce-dé, parfois en famille. A ma fac aussi, il y avait une campagne de dons de fringues pour les enfants et adolescents accros au crack. On l’a pas eu à Sciences Po Lyon celle-là ! Bref, revenons à nos moutons de l’Arbre Sec (nom de cette favela, qui encore une fois, n’avait pas grand-chose à voir avec quelconque verdure). Le baile-funk était à moitié dehors, à moitié dans un hangar plus ou moins fermé par un grillage. Lo-ve-ly ! Mais ce qui était plus drôle (bon, j’avoue, je riais jaune), c’était de voir les gamins de 12 ans passer le torse bombé ac des grosses mitraillettes au milieu de la piste, suivi par les copains de 8 ans. Là, tu ne danses pas avec n’importe qui, et pour tout dire, on a juste danser entre nous… Un seul type s’est vraiment approché pour danser avec nous, quand mon pote me sort du coin de la bouche « méfiez-vous, c’est un trafiquant. Non, mais vous pouvez danser avec, mais sachez-le c'est tout ! ». On n'était qu'à moitié dans notre élément...

Quant aux paroles, elles sont à mon goût tristement drôles… Je pourrais citer celles de la 2è chanson de la vidéo (tube cette année), soit « aujourd’hui je vais tromper ma copine », ou encore celle-ci :


 « je vais te mettre enceinte et me barrer »

On l’a entendu au baile funk, alors que mon pote venait de nous dire: « Si on a le même père avec ma sœur ? lol non, mais tu sais ici personne n’a de père… Un père?? c’est quoi d’ailleurs ?? hahahahahahaha. »  Le funk carioca fait l’apologie de la violence, de la sexualité libérée, du machisme et j’en passe… Il me semble que certaines chansons soient  interdites, mais qu’est ce que l’ « interdit » dans une zone hors de contrôle de l’Etat ?

On m’a dit que ça n’a pas toujours été comme ça, que dans le passé, le funk carioca était plus « politique », donc j’ai jeté un coup d’œil à son histoire. Le funk (tel qu’on connait), à Rio, a commencé à être influencé par la Miami Bass, un nouveau rythme venant de Floride, apportant des musiques plus érotiques et rythmées. Une des chansons de l’époque les plus « politiques » est apparemment celle sur un marché de ferraille et d'électroménagers qui permettait aux plus pauvres de s’équiper.. dont le chanteur était Mc Patate. Mhmhm. Mais des le début, le funk carioca parle du quotidien des faveleiros – soit la violence et la pauvreté. Dans les années 90, il gagne une identité propre et se multiplie au Brésil, en même temps qu’il commence à être montré du doigt à cause des « bailes de corredor », ou « danses de couloir » - confrontations de "gangs" qui évidemment finissent parfois mal. Face à la menace de l’interdiction du funk, le  « funk melody » propose alors des thèmes plus romantiques. La seconde moitié des années 90 est la période d’explosion du funk, qui dépasse alors la frontière de la favela pour se propager dans la société brésilienne. Ces années sont aussi celles de l’apparition d'un nouveau style : le « probidão » (grand interdit) - qui exaltent les trafiquants, la violence, la rivalité et l'érotisme.

Mais ce que je viens de décrire est presque « light » finalement… en comparaison au funk dans son apothéose, dans sa version la plus poussée, le surra de bunda, dont je me passerai d’explication ou commentaire. (Ha si, je rajouterai trois lettres : "lol".)




samedi 26 novembre 2011

Copacanema







Qui dit touristes, dit vendeurs de cacahuètes (au sens propre et figuré d'ailleurs)



(La serviette de plage n'existe pas à Rio)






Copacabana saura toujours te surpendre... Duo violon/beat box




Avoir comme seul toit un palmier..








Motel pas cher

Face à la mer, j'aurai pu grandir..



Copacabana. Il suffit de prononcer ce mot, pas besoin d’en dire plus ; il veut déjà tout dire. On y trouve toutes les caricatures (où presque) du Brésil  que vous connaissez bien : soleil, palmiers, filles en string, groupes de samba, noix de coco, joueurs de « futbol » sur la plage. Et c’est çaaaa qu’est bon ! Surtout quand on habite à 50 mètres de la plage.

Copacabana c’est comme la Côte d’Azur ou la Floride ; il ne faut pas oublier toutes les ptites vieilles habillant leur caniche ac des jupes et/ou des chaussons ! Ici, se croisent les destins des mamies, des touristes, des jeunes cadres, des groupes de gamins noirs trainant dans la rue ou sur la plage, des prostituées et des clochards… sans oublier les sportifs bien sûr !

C’est le lieu privilégié du culte du corps à la brésilienne… (Certes, entre nous, toutes les filles ne sont pas d’exotiques sirènes, et parfois, je me retrouve à penser : « ce serait pô du luxe si elle mettait un slip à la place d’un string celle-là… ») Mais Copa est le royaume de l’apparence et de l’exhibition dont les principales règles sont : voir et être vu. En un mot : « paquerar » (draguer, mater). Tu ne vas pas à la plage pour te baigner (d’ailleurs les vagues sont tellement fortes que tu peux oublier tes cours de natation), tu y vas soit près des surfeurs, soit près du terrain de volley. Tu vas faire un footing pour t’entretenir… mais surtout pour montrer à ces virils torses que, toi aussi, tu t’entretiens. L’académia – le club de fitness – fait fureur à Copa ; tous ceux qui peuvent se le payer - ou presque-  n’hésitent pas à payer entre 50 et 100 euros mensuels pour la salle de fitness, et une vingtaine d’euros pour les manucures et pédicures de Madame…

... Et histoire de bien commencer la semaine, le dimanche, alors que l’Avenida Atlântica est fermée à la circulation, les plages de Copacabana et Ipanema sont envahies par tous les cariocas qui se retrouvent dans cette joyeuse folie... qui fait de Rio de Janeiro la Cidade Maravilhooosa !!!

Pourtant cher Copacabana, laisse moi te dire un secret : « tu dois maintenant te mettre à l’évidence : Ipanema t’a volé la vedette.  Un point c’est tout. »


Uma cervejinha ao pôr do sol da praia de Ipanema







lundi 14 novembre 2011

Une histoire avec des méchants, des gentils, des armes, et de la drogue.



L’invasion de la Rocinha-  une des plus grandes favela d’Amérique latine avec quelques 120 000 habitants-, de Vidigal et de Chacara do Céu, dans la zone Sud de Rio, attire l’attention des médias cariocas et du monde entier. Si ce n’est que la 19ème favela a faire l’objet d’une opération de pacification, la Rocinha est emblématique, et nécessite d’un contingent massif (comparable à l’occupation du complexo do Alemão l’année dernière). L’intervention s’est faite parait-il sans coups de feu … l’annonce de l’événement faite à priori aurait permis aux méchants trafiquants de quitter la favela avant de se retrouver dans les gros bras armés des policiers militaires.

Revenons rapidement sur l’histoire de ce pouvoir parallèle qui régnait le morro depuis plusieurs décennies… car – ne nous le cachons pas – on est tous si friands des histoires de trafiquants qu’on ne se lasse pas des films sur le sujet ! (Franchement, qui ne s’est jamais pris pour Le Parrain devant sa glace au moins une fois dans sa vie ?)

Rocinha a connu dans son histoire 3 PATRONS (à prononcer à l'italienne) : Dênis, Lulu et Nem. Dênis ayant mis en place un trafic à grande échelle, il régnait dans la favela de manière absolue dans les années 1980 et 1990. Planqué à Tijuca (zone Nord), il gérait les négoces à distance ; et son incarcération en 1987 ne l’a pas empêché d’ « administrer son territoire ». Aucun scrupule d’enrôler des gamins soldats, business oblige. Pourtant, sa mort en 2001 – pendu dans sa cellule par ses chers compagnons de taule – annonça le début d’une guerre des gangs, quand son neveu – Lulu- quitta le Comando Vermelho pour s’allier aux ADA, Amigos dos Amigos. En 2004, o Lulu (ADA) et o Dudu (CV) s’enfrontèrent à Rocinha et Vidigal pendant 4 longs mois, jusqu’à ce que la police s’en mêle, tue Lulu et expulse Dudu.
C’est le fameux Nem qui repris l’affaire jusqu’à ce qu’il soit fait prisonnier jeudi dernier. Et oui, pour une fois, les policiers militaires auraient refusé les pots-de-vin des trafiquants en tentative de fuite. (Bien sûr, quelques collègues avaient aidé à organiser la fuite, on est au Brésil tout de même).


Pour les amateurs de détails croustillants ; je continue l’histoire de la fuite d’Antonio Francisco Bonfim Lopes – plus connu sous le pseudonyme de Nem-, retrouvé par le bataillon spécial de la police militaire dans le coffre d’une voiture à la sortie de Rocinha et fait prisonnier le 10 Novembre dernier. Mais qui conduisait la voiture ? L'ambassadeur  du Congo en compagnie d'un de ses fonctionnaires et son avocat ? Qu'est ce qu'ils foutaient là eux ? Habile tentative de falsification d’identité des trafiquants, mais l’ambassade congolaise a rapidement annoncé qu’aucun de ses représentants ne se trouvait en terre carioca. Le trio de « congolais » refusa aux policiers militaires une fouille du véhicule ; sous couvert d’une immunité diplomatique. Les flics ont donc escorté le véhicule jusqu’à la Police Fédérale. Sur le chemin, les trafiquants ont bien essayé de refiler un million de reais aux policiers pour s’enfuir discrètement… et c'est là que les PMs ont ouvert le coffre de la voiture, où se planquait allègrement Nem, au milieu de soixante mille reais et cinquante mille euros.


L’occupation de la favela par les forces de l’ordre fait trembler l’empire Rocinha S/A, à l’origine de flux de 2 millions de reais (soit presque un million d’euros) chaque semaine. Bien sûr, l’économie informelle de Rocinha ne se limite pas à ses grands patrons ; il ne faut pas oublier toutes les petites mains qui survivent de ce trafic. Rocinha était réputée pour bien payer ses jeunes « endoladores », qui touchaient un salaire hebdomadaire moyen de 200 reais pour emballer de l’herbe et de la cocaïne, contre 50 reais ailleurs. Dans la raffinerie, qui pouvait générer quelques 250kilos de coc’, 15 personnes touchaient jusqu’à 1500 reais hebdomadaires.  Sans compter les lieux de prostitution, une clinique à avortements, des agences de tourisme, les mototaxis et vans.


Quel objectif se cache derrière ce déploiement choc de 3000 MPs et militaires fédéraux ? Offrir la sécurité à tous ces citoyens démunis ? Probablement, mais si c’était le seul objectif, peut-être les pouvoirs publics essaieraient-ils de lutter plus activement contre la corruption et la relative violence des 18 autres UPP (Unités de Police Pacificatrice), dont l'action divise les habitants. Surtout, ils se seraient attaqués au problème depuis bien longtemps, et n'auraient pas oublié de nombreuses favela de la zona norte. C'est loin d'être un secret, l’enjeu pour Sergio Cabral, gouverneur de l’Etat de Rio, et son secrétaire à la sécurité publique, José Mariano Beltrame, est surtout de prouver au monde entier que la Coupe du monde 2014, les Jeux Olympiques en 2016, la conférence des Nations Unies Rio+ 20, etc, ne se dérouleront pas dans un contexte d’insécurité ! Il faut en finir avec le trafic et la violence trop visibles ! Soyez rassurés petits français donc, vous pouvez prendre vos billets Paris-Rio en toute tranquilité..

Malgré l’amour inconditionnel des cariocas pour le « futbol », ils semblent décidemment lassés de voir la Coupe du monde aspirer toutes les ressources publiques… du moins celles qui ne sont pas restées dans les poches des politiques.